Septembre 1992
PRÉAMBULE
Il peut sembler incongru, au premier abord de traiter ici, dans un colloque consacré à l'informatique et le droit, des problèmes juridiques que soulève l'utilisation du télécopieur. J'en conviens d'autant plus que personne ou peu s'en faut ne considère l'invention du physicien français Édouard Bélin, mise au point au début du siècle, comme appartenant à la famille des appareils informatiques.
Cependant, à bien des égards, le télécopieur peut revendiquer cette appartenance. Tout d'abord, c'est en y incorporant la technologie de l'ordinateur que l'on a rendu le bélinographe plus performant en rapidité et qualité de reproduction tout en réduisant sa taille et en simplifiant son utilisation.
Ensuite, tous les appareils vendus sur le marché ont recours à divers degrés à une programmation informatique. Enfin, et c'est cet aspect du télécopieur qui rend le sujet pertinent : les problèmes juridiques relatifs à la saisie de l'information première et à sa transformation par le télécopieur en signaux électromagnétiques informatisés, puis l'acheminement de ceux-ci vers le récepteur, souvent doté de mémoire, sont semblables sinon identiques à ceux que l'on rencontre lors du stockage d'informations dans un ordinateur. Et le rappel de cette information pour usage n'est en somme que la reproduction de celle-ci par une imprimante qui, très souvent reliée à la source par un modem, est un périphérique à distance ayant une fonction analogue au télécopieur.
D'ailleurs, le jour est probablement déjà arrivé où le télécopieur est devenu partie intégrante d'un système d'échange électronique de données. Il sert alors à saisir par optique le contenu de n'importe quel document écrit pour sa transformation en langage informatique.
Bref, nous devons constater que son adoption spontanée par le monde des affaires et sa popularité auprès de ses usagers constituent l'un des grands succès de la bureautique moderne. Le télécopieur est véritablement un joyau de la télématique.
Pourquoi ce succès phénoménal? C'est l'habilité étonnante du télécopieur à satisfaire le besoin le plus actuel des sociétés modernes, un monde où l'information est devenue une denrée de première nécessité et la performance une vertu capitale. Ce besoin, c'est l'obtention instantanée des données pertinentes à la gouverne d'une action prochaine.
Mais l'enthousiasme suscité par cette remarquable innovation technologique doit-il être tempéré? L'écheveau des problèmes juridiques est si complexe que son utilisation, sur le plan juridique, pourrait ne devenir qu'un merveilleux cauchemar?
Nous voyons déjà poindre deux ordres de préoccupations reliées à l'utilisation du télécopieur: le premier touche aux pratiques administratives, secteur où le recours débridé et désordonné au télécopieur est générateur d'inefficacité et d'un réel gaspillage de ressources; l'autre porte sur les problèmes légaux reliés à l'utilisation du télécopieur. C'est ce second ordre de préoccupations, juridiques essentiellement, qui fera l'objet de notre considération.
1. INTRODUCTION
Dès le départ, il importe de préciser que l'activité dont il sera question dans cette conférence est uniquement celle reliée à la télécopie de documents. Les aspects juridiques s'attacheront autant à l'action de télécopier qu'à son résultat: le document télécopié.
RAPIDITÉ VS SÉCURITÉ
Le recours au télécopieur dans le vaste domaine de la prise de décisions, arrêtées sur la foi d'informations reçues par télécopieur, remet en vedette un vieil antagonisme bien connu des juristes: la rapidité au détriment de la sécurité juridique. La popularité du télécopieur tient justement à sa caractéristique première: la transmission à distance quasi-instantanée d'une information écrite, aisément saisie par l'oeil et très maniable puisqu'elle permet au destinataire d'agir comme s'il avait l'original en mains.
Il n'est pas étonnant de constater que le monde des affaires, par exemple, ait si spontanément adopté ce moyen de communication. En effet, la consultation rapide des divers écrits qui traduisent ou constatent la réalité commerciale est un atout majeur pour toute entreprise efficace. D'autres secteurs, tels l'administration publique, les services professionnels et le journalisme ont également été séduits par l'adaptation moderne de l'invention de Bélin.
Mais en recourant au télécopieur, l'utilisateur a effectué, sans trop le réaliser, un choix entre deux valeurs d'importance : il a préféré la rapidité à la plus grande sécurité juridique que lui aurait garanti un autre moyen de communication plus éprouvé.
Cette préférence est pourtant acceptable dans la mesure où le risque inhérent à l'utilisation du télécopieur aura été bien évalué. Or, rien n'est moins assuré que ce risque ait été apprécié à son mérite lorsque l'usage du télécopieur s'inscrit dans un environnement de tourmente et de laxisme. Il ne suffira que d'un seul incident sérieux pour faire saisir à l'utilisateur toute la fragilité, sur le plan juridique, des communications par télécopieurs.
2. LES PROBLEMES JURIDIQUES
A peu près inconnu il y a dix ans à peine, l'usage du télécopieur s'est répandu au rythme de la capacité des manufacturiers de produire ces appareils et sans que les usagers n'aient à leur disposition autre chose qu'un mode d'emploi technique. Ceux-ci ont ainsi été laissés à eux-mêmes face aux problèmes administratifs et légaux que cette nouvelle technologie allait engendrer.
Principales sources de problèmes
En fait, toute une panoplie de problèmes juridiques est liée à l'utilisation du télécopieur. Il est donc utile de passer en revue les principales sources de problèmes reliés à l'utilisation d'un bélinographe et ayant une incidence sur le plan juridique.
Qualité du support papier : la grande majorité des télécopieurs en usage utilisent un support papier qui se dégrade avec une relative rapidité, causant ainsi un problème de conservation.
Télécopie d'un original ou d'une copie? La télécopie est-elle la reproduction d'un document original ou d'une copie de l'original spécialement confectionnée pour l'opération?
Fiabilité technique : bien que peu fréquents, le mauvais fonctionnement des appareils et l'interférence ponctuelle sur la ligne de transmission peuvent brouiller la transmission.
Erreur humaine : la source la plus fréquente de non-fiabilité provient du facteur humain et résulte de l'inattention ou du laxisme de l'utilisateur.
Transmission autorisée ou non : une information est expédiée sans autorisation; qui est responsable du préjudice subi? Et comment établir la capacité des personnes physiques à lier les personnes morales en matière d'accords par télécopieur.
Transmission erronée ou frauduleuse : la très grande facilité d'utilisation de cet outil de travail qui explique une absence de "mode d'emploi" chez l'utilisateur, cause un laxisme générateur de transmissions erronées ou même frauduleuses.
Communications non désirées : le plus souvent, des messages publicitaires, ces télécopies non désirées ont comme facheuses conséquences de mettre involontairement les ressources du destinataire à contribution et parfois de nuire à la réception de communications importantes.
Confidentialité et secret professionnel : une masse impressionnante de renseignements fonctionnels ou stratégiques, à caractère confidentiel, circulent électroniquement par télécopieur sans aucune véritable protection, dans un réseau où les fuites et les détournements sont techniquement réalisables pour quiconque veut s'en donner la peine.
Droit d'auteur : "faxer" un document sans l'autorisation de son auteur, c'est non seulement le copier, le reproduire sans y être autorisé, mais c'est aussi le "diffuser", et cela dans une seule et même opération.
Preuve d'origine : recevoir une télécopie n'équivaut définitivement pas à la réception d'une lettre par la poste. Pour prouver l'origine du message télécopié, nous ne disposons que de données non opposées, donc fragiles sur le plan légal. Preuve de réception : réciproquement, devant le silence du destinataire, l'émetteur d'un message bélinographié n'aura que les données fournies par son propre appareil pour ne prouver finalement que l'existence d'une transmission.
Nous le constatons, les problèmes de nature légale liés à l'utilisation du télécopieur s'adressent à trois ordres juridiques distincts : la force probante, les aspects contractuels et les responsabilités.
2.1 LA FORCE PROBANTE
Le premier aspect que l'on doit considérer lorsqu'on traite de la fiabilité du bélinographe, sur le plan juridique, c'est la validité de son "produit", ce qui en fait son originalité : la télécopie.
La force probante de la télécopie doit être considérée au premier chef dans l'appréciation de son utilité dans le monde des affaires et au second chef, ce sera l'aspect télécommunication ou transmission-réception qui retiendra ensuite l'attention.
2.1.1 La télécopie ne peut pas constituer le contrat
La télécopie est un écrit au sens de l'article 17(12) C.c.B.C.; mais cet écrit peut-il être considéré comme l'instrument constatant valablement un acte juridique?
La réponse est négative : l'écrit instrumentaire qui constate un acte juridique susceptible de produire des effets juridiques doit matérialiser l'accord de volonté par l'apposition, sur l'écrit lui-même, de la signature ou de la marque de celui ou ceux qui s'engagent. Le nouveau Code civil du Québec maintient in extenso, pour l'écrit sous seing privé, cette exigence de la signature manuscrite à ses articles 2826 et 2827.
La télécopie n'est et ne sera jamais qu'une copie de cet écrit. Sous cet aspect, quel sort les tribunaux réserveront-ils à la télécopie?
Bien que ceux-ci ne se soient pas encore prononcés précisément sur cette question, un relevé de quelques affaires [1], mettant en cause des formes d'écrits s'y rapprochant tels le télex et le télégramme, nous permet d'en tirer une conclusion nette : la télécopie ne peut constituer le contrat parce qu'elle est dépourvue de la signature manuscrite de ceux et celles qui s'engagent. Tout au plus, elle pourra servir de preuve de négociations ou de commencement de preuve par écrit en matière civile pour autant qu'elle satisfasse à certaines conditions que nous verrons dans un moment.
2.1.2 La télécopie ne vaut pas l'original
Comme son nom l'indique, la télécopie est d'abord une copie. C'est ce que le professeur Léo Ducharme qualifie de copies privées[2]. Et le fait que celles-ci soient constituées à distance ne vient pas modifier leur caractère de preuve secondaire au sens de l'article 1204(2) C.c.B.C.
Il ne convient à cette tribune, que de donner un aperçu des difficultés quant à la preuve, générées par la télécopie.
La meilleure preuve, c'est l'original!
L'une des distinctions du Code civil du Bas-Canada par rapport à ses parents européens se trouve à son article 1204. Celui-ci incorpore dans notre droit civil le grand principe de droit anglais du "best evidence rule", en vertu duquel une preuve secondaire, une copie par exemple, ne pourra être admise en preuve que dans les trois cas prévus à l'article 1233(6) C.c.B.C. où il y a impossibilité de produire l'original. Ces cas sont :
1. la perte de l'original par cas imprévu;
2. la partie adverse retient l'original;
3. un tiers détient l'original qui ne peut être produit sans collusion avec la partie qui l'invoque,
La plus grande difficulté à surmonter dans ces trois éventualités consiste à prouver l'existence de l'original, alors que la télécopie ne peut être utilisée à cette fin n'étant pas encore admise en preuve. A vrai dire, dans la majorité des cas, cette preuve sera impossible. Et même admise, contrairement à l'écrit original qui bénéficie de la protection de l'article 1234 C.c.B.C., la télécopie pourra être contredite par tous moyens de preuve incluant le témoignage.
Quelles sont alors les chances que la télécopie franchisse avec succès l'étape du contre-interrogatoire". Bien minces!
2.1.3 La télécopie n'a qu'une fiabilité juridique fragile
a) La télécopie est-elle "authentique"?
Il s'agit ici d'authenticité technique, celle qui nous met en présence d'une télécopie de première génération, c'est-à-dire du document émanant directement et sans retouche du télécopieur. Dans un article portant sur les nouveaux moyens de reproduction et le droit de la preuve, le professeur Pierre Patenaude traite de cette question de la fabrication de faux et du truquage en affirmant que la multiplication des générations de photocopies (télécopies) dissimule les manipulations et immunise le produit fini contre les examens précis des experts[3].
Il importe donc, sur le plan de la preuve, d'être en mesure d'établir cette authenticité de la télécopie.
b) La télécopie est-elle "conforme"
"Quelle que soit sa forme cependant, la copie privée ne fait aucune preuve tant qu'on n'a pas démontré sa conformité à l'original"[4].
La preuve de conformité d'une photocopie sera relativement aisée. Il suffira de démontrer que celle-ci a été tirée de l'original nous dit le professeur Ducharme [5] qui ajoute que l'on n'exigera du témoin de la reproduction que son attestation que c'est cet original qui a servi à faire la photocopie en question.
Mais comment une seule et même personne peut-elle déposer un témoignage semblable pour attester de la conformité d'une télécopie puisque le principe même de la bélinographie suppose une distance suffisamment importante entre le document original et sa reproduction, pour qu'il soit impossible à un même individu d'être témoin de toute l'opération de reproduction? En réalité, au moins deux personnes sont ici requises pour faire cette preuve.
Se pose également la question de la conformité de l'originaire télécopié à l'original de l'écrit. Celui-ci a-t-il été l'objet d'un "ajustement" préalable au moyen d'un photocopieur ou a-t-il subi des manipulations qui l'ont altéré? Comment le détenteur de la télécopie peut-il le savoir sinon par l'hypothétique aveu de la personne qui aura trafiqué l'original?
c) La télécopie peut-elle constituer un titre valable?
Tout comme l'usager d'informations stockées dans son ordinateur mais provenant d'une source externe, le détenteur d'une télécopie originant de son propre bélinographe sera confronté, en matière contractuelle, à la règle voulant que "nul ne peut se constituer un titre à soi-même"[6].
Devant des dénégations et en l'absence de tout autre élément de preuve l'appuyant, il y aura risque que l'on considère le détenteur de la télécopie comme ayant tenté de se constituer un titre à lui-même, d'autant plus qu'on accordera à peu près aucun crédit aux inscriptions transitaires et rapports d'activités du télécopieur, comme nous le verrons dans un instant. Alors, agir uniquement sur la foi d'une télécopie qu'on exhibe témoignera d'une grande imprudence.
d) La télécopie, un début de preuve par écrit?
La télécopie peut-elle constituer un commencement de preuve par écrit permettant de faire la preuve testimoniale d'un acte juridique, autrement impossible?
La réponse est affirmative pourvu qu'on établisse trois éléments : que la télécopie origine du télécopieur de la partie adverse, qu'elle est authentique et qu'elle est conforme à l'écrit exécuté par la partie adverse ou sous son autorité. A mon avis, il suffira de prouver que l'écrit fut expédié par télécopieur par la partie adverse ou quelqu'un sous ses ordres pour établir que l'écrit a été exécuté par cette partie.
Il est intéressant de noter que Me Francine Champigny dans sa thèse de maîtrise intitulée "Informatique et preuve en droit civil québécois", traitant du même sujet en regard des données contenues dans un ordinateur et fournies au moyen d'une imprimante, soutient une position tout à fait identique[7].
Il convient de rappeler qu'une fois que les trois éléments ci-haut auront été prouvés, la vraisemblance entre le contenu de la télécopie et le fait à prouver devra être établie avant d'ouvrir la voie à la preuve testimoniale.
e) Que valent les inscriptions transitaires?
Les inscriptions transitaires sont celles qui apparaissent en marge de la télécopie, généralement dans sa partie supérieure, et précèdent immédiatement le texte du document bélinographié. Elles existent pour témoigner de la date et de l'heure de la réception, du numéro de ligne téléphonique du télécopieur d'origine et de celui de destination. Souvent la raison sociale de l'expéditeur (et même du destinataire à l'occasion) apparaît, ainsi que l'heure de la fin de la transmission et le nombre de pages du document "faxé". Ces mêmes données sont reproduites sur le rapport de transmission et le rapport journalier des activités des appareils.
Peut-on se fier à ces données?
La réponse est négative. Au niveau technique, celles-ci peuvent être délibérément faussées par l'opérateur, et un certain laxisme chez les utilisateurs, est cause d'inexactitudes fréquentes. Au plan juridique, ces inscriptions et rapports d'activités des télécopieurs sont assimilés aux registres et papiers domestiques de l'article 1227 C.c.B.C. et notre droit ne leur accorde aucune valeur probante en faveur de l'utilisateur qui voudrait les alléguer. Cette situation sera toutefois passablement modifiée par les articles 2831, et 2854 à 2856 du nouveau Code civil du Québec.
2.1.4 La télécopie, écrit de nature civile ou commerciale?
Cette distinction entre qualité civile et qualité commerciale vient rendre plus complexe encore l'administration de la preuve en matière de télécopie. En effet, selon que le télécopieur se trouve sur le bureau d'un commerçant ou d'un non-commerçant, le régime de preuve différera grandement; il sera plus permissif à l'encontre d'une télécopie dite commerciale. Ainsi, un déséquilibre risque de naître entre des parties de qualité différente à l'occasion d'un échange "mixte".
J'abrège ici un sujet plutôt vaste, parce que l'entrée en vigueur des articles 1525 et 2862 du nouveau Code civil du Québec fera table rase de cette distinction.
2.2 L'ASPECT CONTRACTUEL
L'utilisation intensive du bélinographe qu'en font les gens d'affaires et les juristes dans leurs échanges de documents à caractère conventionnel, soulève des interrogations pertinentes à la formation du contrat, son moment et son lieu, et à la capacité juridique des parties.
2.2.1 Validité de l'échange des consentements par télécopieur
Là où le droit exige le formalisme de l'écrit valablement fait, la télécopie ne peut satisfaire à cette exigence et constituer l'écrit instrumentaire, le contrat lui-même. Cependant, la télécopie, comme début de preuve par écrit en matière civile ou de preuve de négociations et d'échange d'offres et contre-offres, peut certainement constituer un des éléments de preuve acceptables pour établir la rencontre des consentements.
Ici également, il convient de noter que le nouveau code civil viendra transformer substantiellement ce régime de la preuve écrite.
2.2.2 Contrats entre non-présents : moment et situs du contrat
Quand et où se forme le contrat demeurent toujours des questions importantes, nous dit le professeur Angers Larouche[8]. Le moment, c'est celui où l'offre et l'acceptation deviendront irrévocables et l'endroit est celui où les éléments essentiels du contrat auront été acceptés de part et d'autre, ajoute le même auteur. Qu'en est-il de ces principes lorsque les contractants traitent à distance au moyen du télécopieur?
En quelques phrases, mentionnons que cette théorie du consensualisme à distance part du principe que si l'engagement naît de la rencontre des volontés, cette rencontre doit être connue de tous les contractants. Ainsi, nul ne peut être lié à son insu, signifie que le pollicitant qui émet son offre à distance, ne sera définitivement engagé que si cette offre a été acceptée et que cette acceptation est connue de lui en temps utile ou présumée l'être.
Partant de ce principe, le droit québécois a élaboré deux théories pour déterminer où et quand les contractants sont définitivement liés : la théorie de la réception découlant de la théorie générale de l'information et son exception, la théorie de l'expédition, lorsque le même moyen de communication est utilisé pour véhiculer l'offre et son acceptation.
Mais avant d'approfondir cette question, il importe de savoir si le télécopieur est un moyen de communication valide juridiquement.
a) Le télécopieur, moyen de transmission valide en matière contractuelle?
La bélinographie est un moyen de transmission efficace que des centaines de milliers d'entreprises ont déjà adopté sans hésitation. En droit, on ne voit poindre aucun argument à son encontre. De plus, les quelques rares décisions judiciaires[9] rendues jusqu'ici dans des litiges impliquant une communication par "fax" comme élément d'importance, ont reconnu la réalité de l'utilisation du télécopieur.
C'est notamment le cas d'un jugement particulièrement pertinent de la Cour d'appel de l'Ontario[10] rendu dans une affaire de levée d'option sur droit de premier refus et dont les conclusions peuvent très bien s'appliquer en droit québécois. Dans cette cause, la cour a affirmé que le télécopieur constituait un mode de livraison ("delivery") valable et adéquat pour communiquer le contenu de l'offre du tiers même si ce moyen de communication était inconnu en 1974, lors de la signature de l'accord par les parties.
On peut conclure, à l'instar de la plus haute cour ontarienne, que la transmission par télécopieur est un moyen moderne et efficace de communication, valable juridiquement et qui ne peut être écarté que par la convention expresse des parties.
b) Doctrine québécoise
En publiant en 1989 un article particulièrement convaincant à l'encontre de la double théorie de la réception et de l'expédition, les professeurs Gaudet et Kouri[11] venaient briser l'unanimité de la doctrine québécoise sur ce sujet.
Ces auteurs affirment que la théorie de l'expédition doit être écartée définitivement parce que inter alia, elle est basée sur une fiction voulant que le transporteur choisi par le pollicitant pour faire connaître son offre soit l'agent de celui-ci, d'où la présomption que l'offrant est informé de l'acceptation de son offre dès l'instant que celle-ci lui est transmise par le même moyen de communication, c'est-à-dire remise à son agent.
Or, opinent ces auteurs, un moyen de communication, électronique par exemple, n'est pas une personne et ne peut donc pas être un mandataire du pollicitant.
c) Jurisprudence québécoise
Deux rares décisions des tribunaux québécois témoignent[12] de la difficulté de recourir à la théorie traditionnelle de la réception ou de l'expédition pour solutionner les problèmes pertinents de communications contractuelles par télécopieurs.
Je retiens la décision de la Cour supérieure dans l'affaire Gilles Veilleux ltée c. Construction A.S.L.K. (1988) ltée, parce qu'elle dispose carrément que la connaissance de l'acceptation par le pollicitant est essentielle. Le tribunal écarte ainsi la position qu'il qualifie d' "ancienne jurisprudence" pour faire sien celle mise de l'avant par les auteurs Gaudet et Kouri.
Il sera intéressant de voir si cette décision constitue un renversement jurisprudentiel définitif, car elle va également à l'encontre de la doctrine dominante.
d) Critique et solution proposée
C'est à tort croyons-nous que la doctrine[13] et la jurisprudence[14] assimilent à toutes fins utiles, le télex et la télécopie à une conversation téléphonique écrite[15]. En effet, au cours d'une conversation téléphonique orale, le pollicité est en mesure, instantanément, de constater la prise de connaissance de son acceptation par le pollicitant. Ce n'est pas le cas avec les conversations écrites. Qu'en est-il par exemple si l'appareil récepteur est défectueux, le papier "fax" en manque ou la ligne téléphonique en dérangement? Peut-on alors raisonnablement croire que le pollicitant est en mesure d'être informé de l'acceptation de son offre?
" Toutefois, il ne faut jamais oublier que c'est la réception qui demeure le principe-clé pour les actes qui interviennent à distance"[16].
Si nous négligeons ce rappel à la réalité du professeur Larouche, nous nous retrouverons en présence d'une preuve, non contradictoire, et non vérifiée par un tiers, c'est-à-dire en présence des seules données provenant du télécopieur du pollicité et de son témoignage.
A l'instar des professeurs Gaudet et Kouri, nous ne croyons pas que la fiction du transporteur-mandataire (du pollicitant) puisse être soutenue en matière de bélinographie parce que les textes législatifs[17] définissant les devoirs et obligations des entreprises de télécommunication, les assimilent plutôt à des locateurs de services dont le contrat d'entreprise (au sens de 2098 C.c.Q.) est un contrat d'adhésion qui n'a rien de commun avec la notion du mandat exprimée aux articles 1701.1 C.c.B.C. et 2130 C.c.Q. (non en vigueur).
Nous proposons que le contrat intervenu au moyen d'une transmission par télécopieur soit conclu au lieu où se trouve le télécopieur de l'offrant, et au moment où l'acceptation est imprimée en première génération par cet appareil, peu importe alors que le pollicitant en prenne connaissance ou non. Et il incombe au pollicité de requérir la confirmation immédiate de la réception de son acceptation par l'offrant.
2.2.3 Capacité juridique
Le recours au télécopieur ne dispense pas les contractants de leur obligation de s'assurer de la capacité juridique respective des acteurs à lier leur entreprise. L'obtention des garanties usuelles en cette matière s'impose. Et il faudra, par exemple, se méfier des documents habilitant qu'on fera parvenir par bélinographe.
Ajoutons que la théorie de l'apparence pourra s'appliquer s'il est prouvé que le télécopieur d'une entreprise a été utilisé par des personnes que des tiers pouvaient raisonnablement croire être autorisées à lier cette entreprise. Le devoir de surveillance est de mise.
2.2.4 Validité d'un accord conditionnel à la réception de l'original (critique)
Pour obvier à l'incertitude juridique qui caractérise l'accord donné par télécopieur, plusieurs, dont l'Association de l'Immeuble du Québec, ont suggéré de faire suivre, le plus tôt possible par un courrier, le document original sur lequel la ou les signatures ont été apposées. Cette solution qu'on voulait éminemment pratique au problème de l'incertitude, ne l'élimine pas pour autant.
Quel est en effet le statut juridique de la situation qui court de la confirmation par "fax" à la réception par courrier de l'original? Au mieux, nous aurons une ou deux offres en suspens, en attendant que les volontés exprimées par écrit (c'est le choix des parties, ne l'oublions pas) se rencontrent. La condition suspensive, relative à la réception des originaux, ne fera que prolonger et fixer la période de validité de ces offres.
2.3 LES RESPONSABILITÉS
Voici une problématique juridique que nous devons considérer même si elle revêt une importance moindre que la précédente.
2.3.1 Les risques afférents à la transmission
La règle res perit domino fait supporter à l'expéditeur les risques normaux afférents au transport de sa chose. Dans le domaine des télécommunications, l'expéditeur devra supporter un risque accru en raison des exonérations et limitations législatives de responsabilités dont bénéficient les entreprises qui oeuvrent dans ce secteur. Celui-ci ne pourra rechercher le transporteur en responsabilité que si ce dernier a commis une faute intentionnelle ou une négligence grossière.
Devant être bref, mentionnons qu'en vertu des articles 1053 et 1054 C.c.B.C. et 1457 et 1463 C.c.Q. (non en vigueur), le responsable de la commission d'un délit au moyen du télécopieur devra réparation. A cet égard, les entreprises de télécommunication ne sont pas exonérées de responsabilité.
2.3.2 La responsabilité des entreprises de télécommunication
La responsabilité des entreprises de télécommunication envers leurs clients doit être comprise non pas dans le cadre d'une relation de mandant à mandataire, mais bien dans celui d'une location de service, ou mieux, d'un contrat d'entreprise tel que défini à l'article 2098 du nouveau Code civil du Québec. La législation pertinente à ce type d'activités limite la responsabilité du transporteur, pour inexécution, à des indemnités insignifiantes. Seules la faute intentionnelle et la négligence grossière justifieront le recours au droit commun contre ces entreprises.
2.3.3 La responsabilité de l'abonné à l'égard du transporteur
Succinctement, l'abonné ne doit pas utiliser les services du transporteur, en l'occurrence son réseau de communication, dans un but illégal[18] ou exiger de paiement pour son utilisation, à moins d'entente spécifique avec le transporteur [19]. La sanction consiste en la suspension temporaire ou définitive du service.[20]
Deux questions surgissent : l'expédition de communications non désirées constitue-t-elle un but illégal? Et les comptoirs de service "fax" enfreignent-ils la prohibition de l'article 8.5?
2.3.4 Bris de confidentialité
Tout le monde a pu constater que le télécopieur est un moyen de communication à "ciel ouvert", un courrier décacheté et un mode de "conversations écrites" sans grande protection contre les indiscrétions, à moins que l'appareil ne soit sous clé et le trafic des messages "encrypté". Pourtant un nombre impressionnant d'informations de nature confidentielle transitent à toute heure du jour sur les lignes "fax" sans aucune protection.
- Responsabilité contractuelle
Le bris de confidentialité fait appel à la responsabilité contractuelle parce qu'elle résulte accessoirement d'une convention principale dont l'exécution implique le traitement de renseignements confidentiels et d'informations privilégiées. C'est notamment le cas des services professionnels.
- Responsabilité déontologique : le secret professionnel
Dans l'industrie des services, le secteur professionnel est celui où la confidentialité est traitée avec le plus de rigueur et l'accroc à la confidentialité sanctionné avec la plus grande sévérité. Ainsi, médecins, comptables, avocats et notaires, pour n'en mentionner que quelques-uns, sont, en outre de leur responsabilité contractuelle, assujettis au respect de règles de déontologie précises en matière de secret professionnel.
Cette question a d'ailleurs fait l'objet d'une considération très approfondie de la part de la Cour suprême du Canada dans une affaire[21] où la plus haute cour canadienne n'a pas hésité à faire primer le respect du secret professionnel et de la confidentialité sur toutes autres considérations, fussent-elles légitimes ou fort contraignantes. Il nous apparaît évident, à la lecture des différents codes de déontologie, que les professionnels ont un intérêt immédiat et absolu à réviser leur politique d'utilisation de leur télécopieur.
- Que valent les avertissements concernant la confidentialité?
Les diverses notices que nous avons lues à cet effet révèlent une compréhension confuse et inappropriée du droit d'auteur et à tout événement n'ont aucune valeur contraignante envers le tiers, détenteur par inadvertance d'une télécopie dont le message est confidentiel.
2.3.5 Le non-respect du droit d'auteur
Télécopier, c'est reproduire et diffuser dans une seule et même opération. Cette activité intéresse donc les auteurs qui ont le droit de conserver un contrôle raisonnable sur la reproduction et la diffusion de leurs oeuvres, à l'intérieur des paramètres qui sont définis dans la législation canadienne[22] et les conventions internationales. Théorique cette préoccupation? Qu'on en juge!
Dans l'édition de mars 1991 du National, tabloid mensuel de l'Association du Barreau Canadien, le journaliste Lloyd P. Duhaime, tout en soulignant l'apport inestimable que procurent aux cabinets de régions éloignées les bibliothèques qui "faxent", sur demande et contre paiement de frais minimes, des textes de doctrine et d'arrêts judiciaires, note tout de même l'irritation des éditeurs qui n'ont pas hésité à émettre une mise en demeure.[23]
2.3.6 Les communications non désirées
Bien que le phénomène de la publicité intrusive par télécopieur se soit de beaucoup résorbé, un fait demeure : des communications non désirées et surtout non désirables continuent d'affecter de façon déplorable la bélinographie.
La juridiction sur les communications au Canada étant généralement et de façon prépondérante du ressort de l'autorité fédérale, la Chambre des communes a été saisie récemment de l'étude de deux projets de loi traitant de cette question, le plus important étant le projet de loi C-62. Déposé le 27 février 1992 et portant amendement à la Loi sur les télécommunications, ce projet aborde le sujet sous deux angles : la protection de la vie privée (art. 7) et la nuisance que causent les communications non sollicitées (art. 46).
En présumant que ce projet soit adopté, la situation sera quelque peu améliorée. Restera que les tribunaux devront apprécier en cette matière l'étendue de la liberté d'expression et surtout définir le contour d'une communication non sollicitée. Pas facile!
LA SITUATION A L'ÉTRANGER : TROIS EXEMPLES
La télécopie illustre parfaitement la modernité de l'humanité qui transcende les frontières étatiques. A toute heure du jour et de la nuit, textes et documents de toute sorte circulent instantanément autour du globe et franchissent, le plus souvent sans aucune espèce de contrôle, les frontières juridiques qui correspondent aux états.
Les aspects de droit international privé reliés à l'utilisation du télécopieur mériteraient de faire l'objet d'une synthèse et d'être vulgarisés à l'intention des entrepreneurs internationaux que le télécopieur met en communication quotidiennement avec la plus grande facilité. Nous ne pouvons aujourd'hui qu'effleurer le sujet.
3.1. L'ONTARIO
Brièvement, on peut résumer ainsi l'état du droit ontarien. La télécopie existe et constitue un document valable; c'est l'arrêt Rollings déjà vu. Cependant, la règle du best evidence rule préfère la présentation de l'original, et les télécopies tout comme les photocopies seront suspectes. En matière commerciale, le tribunal pourra considérer les télécopies échangées par les parties comme une preuve de négociations et leur contenu apprécié selon les circonstances.
Quant aux autres aspects, conservation, situs et moment de la formation du contrat, confidentialité, droit d'auteur, etc. les problèmes juridiques soulevés sont les mêmes qu'au Québec et on attend que la doctrine et la jurisprudence leur apportent des solutions.
3.2 LA FRANCE
La lecture des articles du Code civil français pertinents à la formation des contrats, révèle l'origine de notre propre droit civil : suprématie de l'écrit, nécessité de la signature manuscrite, formalisme, registres et papiers domestiques, commencement de preuve par écrit, etc.; elle révèle aussi des différences notoires pour notre sujet, lesquelles s'expliquent par l'influence de la Common Law sur le droit québécois. Par exemple, la règle du "best evidence" de l'article 1204 C.c.B.C. ne connaît pas d'équivalent dans le Code français.
Abrégeons! Tout comme au Québec, dépourvue de la signature et des inscriptions manuscrites requises, la télécopie ne peut pas constituer un titre au sens de l'article 1325 C.c.F., ni un engagement unilatéral selon 1326 C.c.F. Donnée en preuve d'un titre original qui n'existe plus, la télécopie nécessitera un complément probatoire (art. 1335 al. 40 et Décret D1965, 474).
Toutefois, on note dans le droit français un libéralisme plus grand pour le complément probatoire au commencement de preuve par écrit (article 1347 C.c.F.)[24], et dans les cas d'impossibilité de se procurer une preuve littérale (article 1348 C.c.F.) et dans l'admissibilité en preuve des inscriptions transitaires. Ce libéralisme sera rejoint en droit québécois lors de l'entrée en vigueur des articles 2860 et 2861 du nouveau Code civil du Québec.
Pour être complet et en guise de conclusion, nous croyons approprié d'ajouter que la règle de preuve de l'article 1341 C.c.F. n'est pas d'ordre public et que les "conventions relatives à la preuve sont licites" selon un arrêt de la Cour de cassation[25].
3.3 LA BELGIQUE
Le droit belge, on s'en doutait, révèle son lien de parenté avec celui de la France et du Québec. Il faut se référer au code civil pour être fixé sur la valeur probante de la télécopie, affirment Bernard Amory et Xavier Thunis dans une note-étude réalisée à la demande des Services interbancaires S.A. et publiée en 1988.[26]
A l'instar du droit français et à la différence du Québec toutefois, on retrouve le même formalisme contraignant de l'écrit sous seing privé, en originaux multiples[27] et avec mentions manuscrites obligatoires.[28] Mais le même libéralisme en matière de copie lorsque l'original existe et peut être produit[29]. Également, le détenteur d'une télécopie peut la faire valoir, tant en matière commerciale que civile "comme présomption et comme commencement de preuve par écrit ce qui ouvre la porte à des moyens de preuves complémentaires (par exemple le témoignage)". [30]
Amory et Tunis en arrivent à des conclusions semblables aux nôtres lorsqu'ils expliquent l'absence de force probante particulière des rapports de réception et d'expédition : le premier est dépourvu de signature manuscrite et le second, uniquement signé par l'expéditeur, n'est pas contradictoire.[31] La valeur probante de ces documents sera laissée à la libre appréciation du juge[32], situation semblable à la France et au Québec.
Au sujet de la force probante, Amory et Thunis rappellent que "la réglementation de la preuve n'est pas d'ordre public. Il peut donc y être dérogé par convention entre les parties" [33].
Au chapitre des risques de transmission, tout comme au Québec, Amory et Thunis font supporter à l'émetteur toute la responsabilité afférente au risque d'erreur de transmission commise par le transporteur ainsi que les conséquences de sa propre erreur. Enfin, tout comme Bell Canada, la Régie du Téléphone et du Télégraphe belge bénéficie d'une exonération de responsabilité en cas de faute dans la transmission.
4. LES VOIES DE SOLUTIONS
4.1 LE NOUVEAU DROIT CIVIL
L'entrée en vigueur toute prochaine du nouveau Code civil du Québec nous a amené à nous attarder quelque peu sur le sort que le nouveau droit civil réserve à la télécopie, cet écrit tout neuf.
4.1.1 Écrits non signés
L'article 2835 du nouveau code civil vient tempérer l'extrême rigueur avec laquelle le code civil actuel sanctionne l'écrit non signé :
" Celui qui invoque un écrit non signé doit prouver que cet écrit émane de celui qu'il prétend en être l'auteur."
Cet article signifie qu'une fois la preuve d'émanation réussie, nous serons en présence d'un écrit valable et non d'un simple commencement de preuve. Parions que les tribunaux seront particulièrement exigeants pour accorder foi à la preuve d'émanation.
4.1.2 Écrits dans le cours des activités d'une entreprise
Une autre modification pertinente se trouve à l'article 2831 C.c.Q. et nous intéresse particulièrement :
" L'écrit non signé, habituellement utilisé dans le cours des activités d'ne entreprise pour constater un acte juridique, fait preuve de son contenu."
C'est dire que les télécopies de notes, mémos, factures, ordres, accusés de réception et autres, feront foi si on établit que leur "bélinage" a eu lieu de la façon habituelle avec laquelle cette entreprise traitait ces écrits dans le cours de ses activités. Ces écrits demeuront toutefois sujets à contradiction judiciaire par tous moyens, tel que le prévoit l'article 2816 C.c.Q.
4.1.3 Matière civile ou commerciale, une distinction obsolète
Par l'introduction de la notion d'entreprise à son article 1525, alinéa troisième, le nouveau code civil fait table rase de la distinction séculaire qui a amené l'actuel Code civil du Bas-Canada à différencier, au niveau de la preuve, entre les matières civiles et commerciales. L'article 1233 C.c.B.C. n'a plus d'équivalent véritable dans le Code civil du Québec.
C'est l'article 2862 C.c.Q. qui en tient lien en quelque sorte. Celui-ci permet la preuve testimoniale en l'absence de preuve écrite, s'il y a commencement de preuve, et même en l'absence de ce commencement de preuve, si l'acte juridique est passé par une personne "dans le cours des activités d'une entreprise". Les exceptions de l'article 1235 C.c.B.C. disparaissent tout simplement.
Nous pouvons conclure que la télécopie étant surtout reliée à des activités d'entreprise, sa recevabilité en preuve ne se heurtera plus aux obstacles découlant de la distinction que le droit actuel établit encore entre matières civiles et commerciales.
4.1.4 Présentation d'un élément matériel
Il est difficile de nier à la télécopie son caractère d'écrit. Mais dans l'hypothèse théorique où on lui nierait cette qualité, la télécopie pourrait bénéficier des dispositions des articles 2854 à 2856 C.c.Q. et se voir présentée comme élément matériel.
Ce sont surtout les inscriptions transitaires qui, de peu de valeur dans le droit actuel, pourront désormais trouver une voie d'accès à la considération du tribunal. On se rapprochera ainsi du sort que réserve le droit français à ces faits juridiques[34].
4.1.5 De certaines déclarations
Le nouveau Code civil, en ses articles 2869 et suivants, ouvre la voie à la recevabilité en preuve d'une déclaration faite par une personne antérieurement à l'instance, que cette personne y témoigne ou non. Plus précisément, l'article 2870 C.c.Q. autorise le tribunal à admettre en preuve un tel témoignage, s'il s'est assuré qu'il est déraisonnable d'exiger la comparution de l'auteur d'une telle déclaration lorsque les circonstances entourant celle-ci lui donne des garanties suffisamment sérieuses pour pouvoir s'y fier, tel est le cas "des documents établis dans le cours des activités d'une entreprise".[35]
Ces nouvelles dispositions législatives réduisent la portée des réserves que nous avons formulées quant à la fragilité juridique du télécopieur en permettant, dans le cours normal des activités d'une entreprise, la préconstitution d'une preuve valable au moyen d'une procédure systématisée d'utilisation. C'est ce que nous proposons au titre "4.3 L'environnement administratif".
4.1.6 Contrats entre non-présents
Le recours au télécopieur dans les échanges conduisant à des accords de type contractuel, est appelé à croître. Toutefois, nous avons vu que deux difficultés majeures handicapent grandement l'usage du bélinographe dans la conclusion des contrats, soit l'absence de signature sur l'écrit, en bonne partie solutionnée par les articles 2835 et 2831 C.c.Q., et la problématique entourant le moment et le lieu de formation du contrat.
Ce deuxième handicap n'en sera plus véritablement un après l'entrée en vigueur du nouveau code, puisque le législateur, par l'article 1387, a retenu ce que nous qualifierions de théorie de la réception effective, "quel qu'ait été le moyen utilisé".
Notre proposition formulée au titre 2.2, ci-dessus [36], est tout à fait compatible avec ce nouveau droit.
4.2 L'ENVIRONNEMENT TECHNIQUE
Les faiblesses juridiques du télécopieur ne peuvent justifier sa mise au rancart. Nous proposons donc des remèdes à ces faiblesses. Mais d'abord, nous avons imaginé le télécopieur idéal doté des caractéristiques suivantes qui en amélioreront la fiabilité juridique.
4.2.1 Le télécopieur idéal
- son accès est contrôlé par un mécanisme de sécurité;
- il utilise un papier bond ordinaire dont l'impression s'effectue de façon indélébile, soit par le recours à la technique de la fixation électrostatique ou celle du laser;
- il numérote automatiquement et séquentiellement (chronologiquement) tous les documents expédiés et reçus;
- par interconnexion avec un système informatique, les documents expédiés et reçus sont conservés également dans une mémoire électronique;
- en sus de l'affichage électronique, une boîte vocale vient assister l'émetteur en lui répétant, pour fin de vérification, les données pertinentes à l'opération qu'il s'apprête à effectuer;
- il comprend également un module d'encryptage sophistiqué (chiffrement) afin d'assurer la confidentialité des expéditions qui requièrent cette protection;
- les données transitaires sont contenues dans un module interdit d'accès, une "boîte noire intouchable" qui, lorsqu'on tente d'y accéder, met l'appareil en panne. Ainsi, ces données, les rapports d'expédition et le journal quotidien des activités ont une très grande fiabilité puisque l'opérateur ne peut jamais les modifier à sa convenance;
- il contient un module de confirmation qui lui permet d'interroger automatiquement, à la fin de l'émission, le télécopieur du destinataire (lui aussi idéal) pour se faire confirmer électroniquement la réception et l'impression du message chez son correspondant;
- enfin, il contient également un module d'accès qui permet la vérification externe (contradictoire) de sa fiabilité.
On ne sait si ce bélino idéal existe, sinon il ne tardera sûrement pas à faire son apparition sur le marché.
4.2.2 Le recours au code secret
Dans l'état actuel du droit, le recours à l'usage d'un code secret n'offre pas de substitut juridique à la signature manuscrite. Et c'est par convention que les institutions financières établissent avec leurs clients, les responsabilités respectives à l'égard de l'usage des cartes à N.I.P. (ou P.I.N. en anglais). Cependant, avec les ordinateurs modernes, le décodage est plutôt facile et la garantie de sécurité de moindre portée. C'est pourquoi l'encryptage des signaux électroniques est une nouvelle technique qui gagne actuellement des adeptes.
4.2.3 L'encryptage = signature, intégrité, confidentialité
Beaucoup plus sophistiqué que le codage classique, l'encryptage ou plus proprement, la cryptographie, est une science qui permet, par le recours à une combinaison formée d'un ordinateur, d'un algorithme et d'une méthode d'analyse, le brouillage d'un texte. L'opération inverse, le décryptage, n'est possible que si le destinataire possède la "clé" particulière à l'opération.
Les développements récents en cette matière autorisent sa conception d'une protection qui va bien au-delà de la confidentialité et qui satisfait aux quatre conditions de sécurité juridique établies par Dirk Syx [37] dans un texte doctrinal des plus pertinents, publié en 1986. [38]
1. Le message doit être confidentiel;
2. Le message doit aussi être certain quant à son origine ou son authenticité;
3. Il doit être transmis en toute sécurité;
4. Le message doit aussi émaner de personnes compétentes.
On dit que de tels crypto-systèmes existent pour les communications gouvernementales et militaires stratégiques et qu'au moins un manufacturier vient de mettre sur le marché une boîte noire qui, raccordée en linéaire au télécopieur depuis la fiche d'accès au réseau téléphonique, permet l'encryptage des messages.
4.3 L'ENVIRONNEMENT ADMINISTRATIF
4.3.1 Un processus d'utilisation systématisé
Le législateur québécois dans sa réforme du Code civil a retenu en ses articles 2831 et 2870 C.c.Q. le principe de la valeur probante du contenu d'un écrit non signé pour constater un acte juridique et des déclarations et documents établis dans le cours des activités d'une entreprise sans qu'il ne soit obligatoire d'en faire témoigner l'auteur.
Lorsque les tribunaux auront à se prononcer sur la valeur de ces écrits, il y a fort à parier que les juges seront favorablement impressionnés par l'existence, chez l'utilisateur, d'un procédurier d'utilisation et des registres y correspondant qu'on pourra produire au tribunal. Ce procédurier offrant des garanties raisonnables de fiabilité, viendra conférer beaucoup de crédibilité à l'activité bélinographique de l'entreprise. Il s'agit par exemple de s'inspirer des dispositions de la Loi sur la preuve photographique de documents[39], et de la Loi sur la preuve au Canada[40] et des articles 2838, 2840 et suivants, et 2870 du nouveau Code civil du Québec (non en vigueur).
4.3.2 La tenue d'un registre des activités
La tenue systématique d'un registre des activités du télécopieur, dont les données sont consignées régulièrement, de façon habituelle et dans le cours normal des activités du personnel de l'entreprise y affecté, viendra amoindrir la faiblesse originant du caractère non contradictoire des inscriptions transitaires.
D'ailleurs, pour les entreprises qui font un grand usage du bélinographe et dans des circonstances d'importance, une multiplicité de registres spécifiques s'imposera.
4.3.3 Télécopieur et téléphone : deux preuves valent mieux qu'une
En cas de litige, un justiciable voudra toujours être le mieux pourvu possible pour affronter son adversaire. Aussi, l'addition de preuves convergentes ne devra pas être négligée lorsqu'on traite d'affaires sérieuses. Le téléphone est un complément naturel au télécopieur puisqu'il est accessible partout où il y a un bélinographe (la plupart des télécopieurs en possède un en combiné).
A notre avis, il suffira à l'expéditeur d'obtenir par téléphone la confirmation de la réception de son envoi bélinographié pour combler cette carence du télécopieur. Attention toutefois! La preuve du coup de fil devra également être consignée.
4.4 L'ENVIRONNEMENT CONTRACTUEL
4.4.1 Une fiabilité cautionnée
Plus haut nous avons suggéré, dans la description d'un télécopieur idéal, que celui-ci soit doté d'un module intouchable pour les informations transitaires et d'un module permettant la vérification externe de ces données et de la fiabilité technique de l'appareil. Celle-ci pourrait être effectuée, dans le cadre d'un abonnement par une entreprise renommée pour son intégrité. Cette entreprise pénètrerait électroniquement et à l'improviste dans le module de vérification du bélino de son abonné, plusieurs fois par mois, et en conserverait les rapports de vérification pour une période suffisante.
Ainsi, la fiabilité du télécopieur sera en quelque sorte cautionnée par un tiers qui n'aura aucun intérêt à fausser le résultat de ses constatations recueillies dans le cours normal de ses activités.
Ce service reste à être créé. Qui sera l'audacieux?
4.4.2 La convention d'utilisation
Les règles de preuve en matières civiles et commerciales tant canadiennes que française et belges ne sont pas d'ordre public, nous l'avons vu, et des utilisateurs du bélinographe peuvent donc fort bien combler les déficiences juridiques inhérentes à son usage par voie de convention ou de protocole d'utilisation. Tous les auteurs lus sur le sujet des échanges contractuels informatisés, suggèrent la signature de telles conventions afin de pallier au retard législatif en ce domaine.
CONCLUSION
Aucun motif raisonnable ne peut justifier la mise au rancart, pour cause de faiblesse juridique, du télécopieur ou de l'innovation technologique qui lui succédera. L'appareil répond à un besoin trop évident pour que le monde moderne puisse s'en dispenser.
D'ailleurs, plutôt que de condamner le télécopieur, des voix parmi les plus autorisées du monde juridique, invitent à la mise à contribution officielle du bélinographe dans la satisfaction à meilleur coût des besoins juridiques des citoyens.[41]
Toutefois, des critiques sérieuses se font jour[42] sur la fiabilité des systèmes télématiques et le déplacement vers le consommateur du fardeau des conséquences inhérentes aux lacunes de ceux-ci. Les juristes sont ainsi interpellés; sans tarder ils doivent s'atteler à la tâche de mettre à la disposition des justiciables des formules légales qui assureront une équité et sécurité juridique raisonnable dans le recours aux nouvelles technologies de traitement de la volonté humaine. En particulier, c'est d'abord aux juristes qu'il appartient de faire en sorte que l'utilisation du télécopieur, cette petite merveille, ne tourne pas au cauchemar juridique.
Jean Lambert, notaire
NOTE : Ce texte reproduit une version très abrégée d'un texte qui sera publié incessamment. Il est indiqué de prendre connaissance de l'intégral pour un exposé plus complet de la problématique traitée ici.
TABLE DES MATIERES
PAGE
PREAMBULE 1
INTRODUCTION 2
LES PROBLEMES JURIDIQUES 2
Principales sources de problèmes
La force probante 4
La télécopie ne peut pas constituer le contrat 4
La télécopie ne vaut pas l'original 5
La télécopie n'a qu'une fiabilité juridique fragile5
a) La télécopie est-elle authentique? 5
b) La télécopie est-elle conforme? 6
c) La télécopie peut-elle constituer un titre valable?6
d) La télécopie, un début de preuve par écrit? 7
e) Que valent les inscriptions transitaires? 7
La télécopie, écrit de nature civile ou commerciale?8
L'aspect contractuel 8
Validité de l'échange des consentements par télécopieur8
Contrats entre non-présents : moment et situs du contrat8
Le télécopieur, moyen de transmission valide
en matière commerciale? 9
b) Doctrine québécoise 10
c) Jurisprudence québécoise 10
d) Critique et solution proposée 10 Capacité juridique 11
Validité d'un accord conditionnel à la réception
de l'original (critique) 12
Les responsabilités 12
Les risques afférents à la transmission 12
La responsabilité des entreprises de télécommunication12
La responsabilité de l'abonné à l'égard du transporteur13
Bris de confidentialité 13
Le non-respect du droit d'auteur 14
Les communications non désirées 14
LA SITUATION A L'ETRANGER: TROIS EXEMPLES 15
L'Ontario 15
La France 15
La Belgique 16
LES VOIES DE SOLUTIONS 17
Le nouveau droit civil 17
Ecrits non signés 17
Ecrits dans le cours des activités d'une entreprise18
Matière civile ou commerciale, distinction obsolète18
Présentation d'un élément matériel 18
De certaines déclarations 19
Contrats entre non-présents 19
L'environnement technique 19
Le télécopieur idéal 20
Le recours au code secret 20
L'encryptage = signature, intégrité, confidentialité21
L'environnement administratif 21
Un processus d'utilisation systématisé 21
La tenue d'un registre des activités 22
Télécopieur et téléphone : deux preuves valent mieux qu'une22
L'environnement contractuel 22
Une fiabilité cautionnée 22
La convention d'utilisation 23
CONCLUSION 23
TELECOPIER : A WONDERFULL LEGAL NIGHTMARE?
Telecopiers are everywhere and no much attention has been paid to the legal consequences of their use. Are telecopiers as legally friendly as they are handy?
- Can a agreement be sealed by telecopiers and are "faxed" arranged undertakings legally binding?
- Are the transit data supplied by "fax" machines legally sound?
- When and where is a deal clinched by telecopiers and which law applies?
- Who is responsable for lost, error or fraud in transmission?
- What about breach of confidentially or of professional secrecy; are notices of warning legally deterrent?
- And does someone cares about unwanted "faxed" materials?
These are topics among others, that will be discussed and some solutions brought forward.
[2] L. Ducharme, Précis de La Preuve, Wilson & Lafleur (3e éd.) #492 p. 220.
[3] P. Patenaude, "Les nouveaux moyens de reproduction et le droit de la preuve" (1986) RB T46 N5, p. 775.
[4] L. Ducharme, op.cit. #493, p. 220.
[5] Ibid.
[6] L. Ducharme, Chronique du droit de la preuve, 1970 RGD, p. 446.
[7] F. Champigny, Informatique et preuve en droit québécois, Les éditions Yvon Blais inc. (1988), p. 16-17.
[8] Les Obligations, t 1, Théorie générale des contrats : quasi-contrats, 1982, éd. Université d'Ottawa, p. 124.
[9] Entre autres : Trefflé Goulet & Fils inc. c. Habitations Nabco inc. (1991) JE-91-1127 (C.Q.); Gilles Veilleux ltée c. Construction A.S.L.K. (1988) ltée, (1991) JE-92-176 (C.S.).
[10]Rollings vs Williann Investment ltd & al. 70 O.R. (2d) 578. (Cour d'appel d'Ontario, 1989).
[11] S. Gaudet et R.P. Kouri, Contrats entre non-présents et contrats entre présents : y a-t-il une différence? (1989) 20 RDUS, p. 175.
[12] Cités note 9.
[13] J.L. Baudouin, Les Obligations, (3e éd.) Blais, #118, p. 107.
[14] J.D. Marketing inc. c. Continental Information System Corp. J.E. 84-589.
[15] Les Obligations, t 1, Théorie générale des contrats : quasi-contrats, 1982, éd. Université d'Ottawa, p. 124.
[16] Angers Larouche, op. cit. note 15, p. 129.
[17] Notamment CRTC ordonnance 86-07, Gazette Officielle du Canada, 11,18 et 25 octobre 1986.
[18] Article 8.2, ordonnance CRTC citée note 17.
[19] Ibid, article 8.5.
[20] Ibid, article 22 (g).
[21] Martin c. Gray, C.S.C. 21469, 10 mai 1990.
[22] Loi sur le droit d'auteur, SR ch. C-42.
[23] Le bélino révolutionne les procédures des cabinets d'avocats, National, p. 27, mars 1991.
[24] Voir Françoise Chamoux de l'A.I.D., Le statut juridique des EDI, in Revue Juridique et Économique des Communications.
[25] Cass. Civ. 8 novembre 1989, arrêt Credicas, cité dans Le Statut Juridique des EDI, supra note 25.
[26] Aspects juridiques de l'utilisation du télécopieur, B. Amory et X. Thunis, note publiée dans 1988/4 Droit de l'informatique et des télécoms, p. 35.
[27] Article 1325 C.c.B.
[28] Article 1326 C.c.B.
[29] Article 1334 C.c.B.
[30] Supra note 28.
[31] Ibid, p. 36.
[32] Ibid, page 37.
[33] Ibid, p. 37.
[34] Voir supra , #3.2.
[35] Article 2870 (al. 3) C.c.Q.
[36] Voir supra, 2.2.2 c), "Critique et solution proposée".
[37] D. Syx, conseiller juridique au service central de la Kredietbank S.A. (Belgique), spécialiste des aspects juridiques des transferts de fonds.
[38] D. Syx, Vers de nouvelles formes de signature?, le problème de la signature dans les rapports juridiques électroniques dans la revue belge "Droit de l'Informatique", 1986/3 #51.
[39] LRQ (1984) ch. P-22.
[40] LRC (1985) ch. C-5.
[41] Me Gilles Létourneau, président de la Commission de la réforme du droit du Canada, in : La Presse (110), mercredi le 26 juin 1991, page A-7; Groupe de travail sur l'accessibilité à la justice, in : Jalons pour une grande accessibilité à la justice, rapport Macdonald, p. 313; le juge en chef de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique, in : Lawyer Weekly, 23 juin 1989; L. Jacques Ménard, président de la Chambre de commerce de Montréal, in : Commerce Montréal, vol. 46, no. 8, éditorial, avril 1990 p. 7.
[42] Notamment, N. L'Heureux et L. Langevin, La signature électronique :
les conséquences de la signature électronique sur la
responsabilité des titulaires de cartes de paiement au Québec,
communication au 6e congrès annuel sur l'informatique et la formation
des juristes, UQUAM 15 juin 1990.
Ernst Perpignand, 31 janvier 1995